J’ai eu l’occasion de m’investir personnellement dans plusieurs partenariats de jumelage, à commencer par un jumelage entre Hémophilie Saskatchewan et l’Association nationale de l’hémophilie de la Mongolie en 2001. En octobre 2001, Faye Katzman, la Dre Sheila Harding et moi avons pris l’avion pour Oulan-Bator, en Mongolie, afin d’effectuer une visite d’évaluation visant à déterminer si notre jumelage avait le potentiel de produire de bons résultats.
Pour limiter les dépenses, nous avons habité dans l’appartement de nos amis mongols. La mère et son fils hémophile âgé de six ans ont quitté l’appartement pour aller habiter chez une autre famille, afin de nous laisser un peu d’intimité. En nous installant, nous avons ouvert le réfrigérateur pour ranger certaines de nos fournitures et avons découvert une fiole à moitié utilisée de concentré de facteur VIII reconstitué. Il était troublant de constater que les produits de facteur étaient si rares que, au lieu d’en perfuser la quantité totale pour arrêter un saignement, seule la moitié était utilisée afin de conserver l’autre moitié pour le prochain saignement. J’ai immédiatement été déconcerté à la pensée de notre privilège; mon fils, qui avait 12 ans à l’époque, n’avait jamais été privé du facteur VIII dont il avait besoin.
Ce n’était là que la première d’une série de réalités auxquelles nous allions être exposés, lesquelles ont été pour moi bouleversantes et contrariantes, mais aussi révélatrices. Nous avons vu le laboratoire de l’hôpital où des procédures étaient effectuées au moyen d’équipements rudimentaires, alors que d’autres équipements en mauvais état bordaient les couloirs parce que leurs donateurs n’avaient pas fourni les ressources de suivi nécessaires pour entretenir les équipements qu’ils avaient donnés. Nous avons visité un établissement de soins tertiaires où l’électricité n’était pas constante; l’entreposage au froid se faisait dans le sol et pour le chauffage, des paires de chambres se partageaient des foyers – il convient de noter que les températures de -35 °C ne sont pas inhabituelles durant les hivers mongols.
À Mörön, la capitale de la province de Khövsgöl, dans le nord du pays, où nous avons visité un établissement de soins secondaires, une famille de six personnes avait voyagé pendant plusieurs heures à moto avec nacelle latérale (side-car) après avoir appris que nous étions là pour aider les personnes atteintes d’hémophilie. Ces gens étaient tellement aimables et positifs. Lorsqu’ils sont repartis, j’avais le cœur brisé, car nous ne pouvions leur offrir que très peu de choses de plus que ce qu’ils avaient déjà pour leur proche atteint d’hémophilie. Jour après jour, j’ai été confronté à des inégalités en matière de soins de santé.
Aujourd’hui, l’Association nationale de l’hémophilie de la Mongolie a fait beaucoup de chemin, en partie du moins grâce à l’investissement de notre jumelage. Ce garçon de six ans dans l’appartement duquel nous avons séjourné, et dont l’avenir était incertain lors de notre visite, mène aujourd’hui une vie productive, malgré son grave déficit en FVIII. Toutefois, l’injustice des inégalités dont j’ai été témoin à l’époque a allumé un feu en moi. Depuis lors, j’ai eu le privilège de participer à des jumelages avec l’Afrique du Sud, le Bangladesh et maintenant les Philippines. À chacun de ces endroits, les inégalités en matière de soins de santé sont manifestes. Cependant, ayant constaté ce que nous avons pu apporter dans le cadre nos partenariats de jumelage, nous entretenons également l’espoir d’être en mesure de produire des changements positifs.
Depuis que mon épouse Marion et moi avons participé bénévolement à notre premier congrès mondial de la FMH à Montréal, en 2000, et avons vu de nos propres yeux la douleur et la souffrance des personnes atteintes de troubles de la coagulation dans le monde entier, nous cherchons des moyens de remédier d’une manière ou d’une autre aux inégalités qui existent dans notre famille mondiale des troubles de la coagulation. En tant que Société canadienne de l’hémophilie et en raison du privilège dont nous bénéficions en matière de soins, nous avons l’obligation morale et éthique d’aider les autres membres de la famille mondiale des troubles de la coagulation à réaliser les normes de santé et de qualité de vie que nous tenons aujourd’hui presque pour acquises. En fait, cela peut être l’une des autres facettes d’un partenariat de jumelage, qui aide notre propre famille de personnes atteintes de troubles de la coagulation à prendre conscience de ces inégalités et à devenir des bénévoles actifs, afin de contribuer à mettre en place des soins encore meilleurs, ici au Canada, et de donner à nos frères et sœurs de la communauté mondiale les moyens de réussir à améliorer également les traitements et les soins là où ils vivent.