Congrès mondial de la FMH : tant de choses à apprendre en si peu de temps!

Pendant plusieurs années j’ai coordonné la publication des articles écrits par les participants aux congrès mondiaux de l’hémophilie pour le magazine de la SCH, L’Hémophilie de nos jours. J’y lisais des comptes rendus super intéressants sur des séances hyper instructives et combien il était inspirant de rencontrer le reste de la planète hémophile. Je me disais invariablement que le congrès semblait vraiment valoir le détour!

Dire que mes attentes à mon tout premier congrès, à Madrid, étaient grandes serait un euphémisme. J’étais fébrile, reconnaissante et heureuse de pouvoir toucher du doigt cette expérience si souvent décrite comme fabuleuse.

Et bien, je ne ferai pas durer le suspense, mes attentes ont été amplement satisfaites!

C’est la thérapie génique qui m’a amenée au Congrès mondial 2024 de la FMH. J’ai eu le grand plaisir de voir ma proposition d’affiche acceptée par la Fédération mondiale de l’hémophilie afin d’y présenter le Programme d’éducation à la thérapie génique de la SCH. Je ne saurais assez vous encourager à aller y jeter un coup d’œil si le sujet vous interpelle. Le programme comprend une foule de ressources en lien avec ce nouveau traitement. Un livret continuellement mis à jour, d’incroyables balados, des webinaires et des articles. Tout y est, en un seul endroit, pour en faciliter la compréhension et aider à la prise de décision. Il y a énormément à apprendre et à décortiquer, et les médecins et patients experts dans le domaine sont là pour partager leurs expériences et expertises.
www.hemophilia.ca/fr/therapie-genique.

Le plus gros défi rencontré pour mon premier congrès mondial était de choisir auxquelles séances j’allais assister parmi les dizaines et les dizaines proposées. Mais, avec mon tableau Excel détaillé et la très efficace appli mobile offerte dans le cadre du congrès, j’étais fin prête pour celui-ci!

Et à quel départ j’ai eu droit, en avant-première du congrès, avec un atelier d’une journée entière dédié exclusivement aux troubles de la coagulation chez la femme et à la gestion des saignements menstruels abondants! Un atelier présidé par de grands noms : Dre Roshni Kulkarni (É.-U.), Lauren Phillips (Nouvelle-Zélande), Dr Robert Sidonio (É.-U.) et Dre Tahira Zafar (Pakistan), entourés d’un panel tout aussi impressionnant de personnes hautement qualifiées pour nous jaser d’un sujet aussi important. Les discussions ont été denses, parfois confrontantes, souvent rassembleuses, certainement inspirantes. En rafales, voici quelques-uns des sujets abordés au cours de la journée, vous comprendrez pourquoi cet atelier a été si percutant : facteurs prédictifs de retard de diagnostic et de perte de suivi chez les femmes atteintes de la maladie de von Willebrand, prophylaxie dans la maladie de von Willebrand, émicizumab chez les femmes atteintes d’hémophilie A, impact du sexisme dans l’iniquité des soins et des traitements pour les femmes et les filles atteintes de troubles de la coagulation, le manque de femmes dans les essais cliniques et son impact, prévention de l’hémorragie du post-partum, et j’en passe.

Je ne le savais pas encore, mais cette première journée allait être porteuse de thèmes récurrents qui seront nommés, discutés, débattus tout au long des trois journées de congrès auxquels j’allais assister. Et, me fiant aux discours de clôture du congrès, ces thèmes auront été entendus un peu partout, dans plusieurs salles.

Ainsi, avant même la cérémonie d’ouverture du congrès, le ton était donné, les gens étaient heureux d’être là, aux premières loges de discussions captivantes sur une foule de sujets qui animent cette si belle communauté mondiale des troubles de la coagulation.

Lundi matin, j’étais l’une des premières à arriver à IFEMA Madrid, le centre de congrès. Je ne voulais rien manquer de l’ambiance et de l’effervescence produite par l’arrivée de plus de 3 000 délégués qui allaient se pointer les uns après les autres et se disperser aux quatre coins du centre de congrès afin d’aller écouter et apprendre auprès d’experts de partout dans le monde.

Cette première journée s’est déroulée comme dans un rêve – j’allais de séances en séances, prenaient d’innombrables photos des présentations Powerpoint et absorbais tout ce que je pouvais d’informations nouvelles. Il a été question du paysage du traitement de l’hémophilie A et B qui évolue rapidement avec les nouvelles stratégies qui incluent les thérapies non substitutives et la thérapie génique, de la disparité entre l’âge au moment du diagnostic chez les garçons versus chez les filles et les femmes avec un délai observé d’au moins 10 ans pour ces dernières.

Au cours de cette journée, il a été aussi beaucoup question de l’importance fondamentale des registres, de la nécessité d’obtenir toutes les données essentielles pour faire valoir les droits de la communauté et pour faire avancer les soins et les traitements dans la bonne direction. J’ai beaucoup aimé une citation présentée dans un diaporama (traduction libre) : « Sans données, vous n’êtes qu’une personne de plus avec une opinion. » – W. Edwards Deming. C’est pas mal vrai!

Mais, qu’en est-il au Canada de nos efforts de compilation des données façonnant notre communauté? Le Registre canadien des troubles de la coagulation, un registre médical de données cliniques avec une contribution du personnel des centres de traitement, appartient au groupe des directeurs de centres de traitement, l’Association canadienne des directeurs de cliniques d’hémophilie, et est géré par le département des méthodes, des preuves et des impacts de la recherche en santé à l’Université McMaster. De plus en plus de patients y sont enregistrés, mais il reste encore place à l’amélioration. L’apport canadien à PROBE (Patient Reported Outcomes, Burdens and Experiences, ou en français Expérience, problèmes et résultats décrits par les patients), est également plus que louable, mais là encore, il n’y aura jamais trop de données recueillies!

Parlant de données, les femmes ne doivent pas rester en plan. Il est primordial qu’elles fournissent leurs données, qu’elles partagent leur histoire, qu’elles documentent tout ce qui a trait à leur santé, permettant ainsi à leur équipe de soins d’avoir des informations hautement pertinentes et complètes.

Je ne vous cacherai pas qu’une certaine frustration était palpable lorsque le sujet des troubles de la coagulation chez la femme était abordé. Oui, bien sûr, énormément de progrès réalisés, mais pourquoi, en 2024, reste-t-il encore tant à faire et à accomplir? Peut-on cesser d’identifier les problèmes, nous les connaissons (délai de diagnostic, absence des femmes dans les essais cliniques, classification erronée, réticence à certains traitements, etc.), et passer au mode solutions?

La thérapie génique a bien entendu eu une place de choix à ce congrès. Comment pourrait-il en être autrement étant donné que c’est ce que tant de gens attendent depuis longtemps et que ce traitement est maintenant tangible et à portée de mains? Nous avons eu droit à d’incroyables témoignages d’hémophiles ayant reçu la thérapie génique. En vrac, voici quelques commentaires entendus :

« J’ai maintenant l’esprit libéré de l’hémophilie. »

« Je vis quand même encore avec les cicatrices physiques et mentales de toute une vie avec l’hémophilie. »

« La thérapie génique n’a malheureusement pas renversé les dommages causés à mes articulations. »

« Je ne savais que j’en avais besoin jusqu’à ce que je l’aie reçu! »

« Je taisais avoir reçu la thérapie génique lors d’un séjour en Inde; je me sentais coupable d’y avoir eu accès en sachant fort bien que les patients de cette région du monde étaient très loin encore de cette réalité. »

« Ma douleur quotidienne est un rappel constant de ce que l’hémophilie m’a enlevé. »

« Mon seul souci est de retrouver mon ancienne vie, mais j’essaie d’en profiter tant qu’elle dure. »

Le reste du congrès s’est déroulé pour moi sur les chapeaux de roues, me nourrissant de témoignages tout aussi incroyables les uns que les autres, m’interpellant avec de nombreux questionnements, recevant parfois des réponses, et compilant une panoplie d’informations pertinentes pour comprendre davantage ce qui fait de cette communauté mondiale des troubles de la coagulation ce qu’elle est.

L’une des présentations marquantes pour moi venait d’une représentante de l’Association uruguayenne de l’hémophilie, Amanda Brito del Pino Mouro. Celle-ci nous a présenté l’incroyable travail effectué par leur association et la communauté. Ils ont mis en place une stratégie de défense des intérêts qui a eu un impact important à court et à long terme, ils ont positionné leur association de patients comme une partie prenante dans les négociations liées à l’accès au traitement, ils ont généré un changement substantiel dans la qualité de vie des personnes atteintes d’hémophilie et, enfin, ils ont utilisé des stratégies de communication et des récits personnels comme des aspects clés de leur processus de défense des intérêts.

Tout ce travail colossal a été couronné de succès. Leurs efforts ont notamment attiré l’attention des médias et du président du pays et ont permis à 56 patients de modifier leur traitement pour le meilleur. Ils ont réussi à modifier les politiques publiques, l’hémophilie a gagné en reconnaissance auprès du public et plus de 50 reportages nationaux ont été consacrés à l’hémophilie. Leur regard sur tout ce travail : les changements structurels sont possibles grâce aux efforts de sensibilisation, à une communication planifiée et à la responsabilisation des patients. Les organisations nationales de patients doivent travailler avec un plan qui implique l’ensemble de la communauté, des ressources professionnelles avec des résultats solides, clairs et mesurables. Et surtout : « ne jamais oublier de partager les histoires personnelles! ».

Tout au long de ces séances, j’ai entendu à maintes reprises et avec pas mal de fierté, de nombreuses références au Canada, qu’il s’agisse des travaux de nos médecins (ils sont tellement souvent cités!), de l’efficacité de nos centres de traitement, de notre implication au niveau mondial, et plus encore. Nous semblons représenter une source d’inspiration pour plusieurs à travers le monde. Bravo à notre communauté!

Je pourrais vous entretenir des heures sur tout ce que j’ai vu et entendu au congrès mondial. Je recevais toute cette information par vagues incessantes, prenais frénétiquement des notes et tentais de tout mémoriser pour vous partager tout ça, dans CONTACT SCH. Je me rends bien compte maintenant que la tâche est plus grande que prévue; j’espère tout de même avoir su vous rendre compte de l’esprit du Congrès mondial 2024 de la FMH, de l’étendue phénoménale d’informations reçues pendant ces quatre journées intenses.

Je terminerai en vous laissant, sans ordre précis, des brides de témoignages, des diapos et des données entendues et vues ici et là.