Et si nous avions su à l’époque ce que nous savons aujourd’hui?

Le Congrès mondial 2024 de la FMH n’était pas la conférence de votre père!

Pour une raison quelconque, j’ai eu la chance d’assister à presque tous les congrès mondiaux de la FMH depuis ma première participation à Dublin, en Irlande, en 1996.

À chaque congrès, je planifiais soigneusement mon horaire afin de pouvoir assister aux séances où je prévoyais apprendre quelque chose de nouveau et d’important pour les soins de mon fils. Je ne décrirai pas ici toutes les connaissances, compétences et ressources que j’ai acquises à chaque congrès. Graduellement, ma confiance s’est accrue et je peux maintenant partager mon expérience et mes apprentissages avec d’autres mères au sein de la communauté hémophile mondiale.

J’ai tiré une leçon de modestie de toutes les femmes que j’ai rencontrées et je suis toujours revenue au Canada avec un sentiment de reconnaissance.

Cependant, avec toutes ces nouvelles connaissances acquises, j’ai réalisé que nos soins pour l’hémophilie étaient fragiles et à quel point les améliorations potentielles aux soins et aux traitements seraient coûteuses en termes de dollars et de ressources humaines. Je devais défendre les intérêts de mon fils et de mes amis. J’adaptais mon horaire pour les conférences de manière à inclure des séances où je pouvais apprendre à utiliser efficacement mes acquis. Les années ont passé. Les efforts de défense des intérêts des leaders canadiens ont porté fruit et nous avons eu accès à des traitements novateurs. La qualité de vie de mon fils s’est améliorée. Il a grandi, fait des études supérieures, trouvé un emploi valorisant, fait du bénévolat, s’est marié à une femme merveilleuse et m’a donné une petite-fille et un petit-fils. Vous voyez où je veux en venir?

Mon rôle et la raison pour laquelle j’assiste au Congrès mondial 2024 de la FMH à Madrid ont évolué depuis les 30 dernières années. Premièrement, on m’a demandé de prendre la parole à l’atelier Femmes et filles atteintes d’un trouble de la coagulation; saignements menstruels abondants. Puis on m’a demandé de présider une séance : Comment passer de soignant, à patient à porte-parole. J’ai vu ma vie défiler devant mes yeux! En présidant le programme de bourses du fonds commémoratif Susan Skinner de la FMH, j’ai eu le plaisir d’accueillir des boursières de partout dans le monde. Toutes ces boursières ont déjà été bénévoles au sein de leur organisation nationale membre de la FMH et démontré une volonté ferme d’en apprendre plus sur la défense des intérêts.

Vous avez compris que mon emploi du temps était fortement axé sur les femmes atteintes d’un trouble de la coagulation. En fait, sauf une rare exception, j’ai uniquement assisté à des séances consacrées aux troubles de la coagulation chez les femmes. C’était tout nouveau pour moi. Je savais bien à l’avance que le Congrès 2024 de la FMH avait une forte composante consacrée aux femmes, mais j’ai été à la fois impressionnée et surprise de constater que pour toutes ces séances, les salles étaient bondées. Et il y avait un nombre égal d’hommes et de femmes, de quoi donner le vertige. Finalement, le monde de l’hémophilie s’est rendu compte que les femmes avaient elles aussi des problèmes de saignement! Je pourrais tirer des leçons au sujet de ma propre santé. Et celle de ma petite-fille.

Après deux jours de diapos, de conférenciers, de données et de mauvais café, je commençais à me sentir irritée. J’écoutais les experts communiquer les résultats de leurs recherches liées aux femmes et aux troubles de la coagulation, y compris les « porteuses symptomatiques » comme moi. On nous parlait d’études sur les maladies cardiaques, le cancer et même les troubles de la coagulation afin que nous puissions prendre des décisions éclairées en matière de traitement, mais aucune de ces études n’incluait des femmes. Lorsque des femmes de plusieurs pays nous ont dit qu’elles ne peuvent participer à des études sans le consentement de leur mari ou de leur père, je me suis sentie impuissante sachant qu’il faut plus de recherche et plus de femmes participant aux études.

Les médecins parlaient de phénotypes et non de taux de facteur. Ils ont abordé la question des comorbidités comme la carence en fer, les problèmes de plancher pelvien, les problèmes de fertilité, les conséquences sur la santé mentale, la pauvreté, la santé osseuse, la douleur et ainsi de suite.

Peut-être était-ce le décalage horaire, une douleur au genou ou même le manque de café, mais j’ai soudainement senti de la colère. Ce n’était rien de nouveau pour moi, mais j’ai trouvé que le coup était dur à encaisser, et j’ai commencé à me dire Et si?

J’ai réprimé une forte envie de crier et je me suis plutôt penchée vers l’avant, pendant la pause, pour exprimer ma frustration à une merveilleuse hématologue du Royaume-Uni, qui m’a écoutée attentivement, sans me juger. Elle m’a chuchoté doucement, « Je suis vraiment désolée ».

Son empathie est tout ce qu’il me fallait pour secouer ma pitié égoïste. Après tout, grâce aux conseils de ma mère et à mes propres essais et erreurs, j’ai réussi à passer à travers l’enfance, l’adolescence et le début de la vie adulte. On se débrouillait nous-mêmes, sans diagnostic ni soins. Je ne compte plus le nombre de fois où un médecin, une infirmière, un dentiste ou un chirurgien a déclenché mes symptômes. J’ai suivi une formation en soins infirmiers et j’ai amorcé la carrière que j’adore et qui m’inspire encore aujourd’hui. Je me suis mariée avec mon amoureux que j’ai connu à l’école secondaire et ensemble, nous avons eu deux merveilleux enfants. Enfin, après la naissance de notre fils, j’ai créé des liens avec le centre de traitement des troubles de la coagulation où j’ai pu profiter de leurs connaissances, comme c’était à l’époque. Nous avons maintenant deux petits-enfants. Nous pouvons compter sur les amitiés extraordinaires. Nous avons une vie heureuse.

Je me demande encore… et si?