La thérapie de substitution

Hemlibra (émicizumab) est indiqué au Canada pour les patients atteints d’hémophilie A porteurs ou non d’inhibiteurs anti-facteur VIII en prophylaxie de routine pour prévenir les saignements ou en réduire la fréquence, mais actuellement, il n’est remboursé par Héma-Québec par la Société canadienne du sang que pour les patients porteurs d’inhibiteurs. Jusqu’à présent, l’expérience d’utilisation de l’émicizumab chez les patients atteints d’hémophilie légère ou modérée est limitée. Cette séance a porté sur l’utilisation de l’émicizumab et d’un autre agent sans facteur, le fitusiran, en prophylaxie, en pédiatrie et potentiellement pour le traitement d’induction de l’immunotolérance (IIT).

Au cours de la première présentation, on a décrit les avantages de l’émicizumab. Utilisé en prophylaxie, il n’est administré que toutes les 1 à 4 semaines selon la dose et la réponse individuelle des patients. À ce jour, il peut être utilisé chez les patients non porteurs d’inhibiteurs ou ayant un taux d’inhibiteur négligeable et chez les patients pour qui l’IIT ait réussi ou non. L’auto-administration par voie sous-cutanée est plus facile et les dispositifs d’accès veineux central ont pu être retirés. Ses avantages vont au-delà d’une simple réduction du taux annuel de saignements et incluent notamment des bienfaits pour la santé articulaire, l’activité physique, les symptômes autres que les saignements et la réduction des hémorragies intracrâniennes, et il peut être utilisé chez des patients non encore traités (naïfs au traitement). Des inquiétudes au sujet de la santé osseuse et de l’accroissement du risque de fracture qui peut s’ensuivre en l’absence de FVIII ont été soulevées, mais l’augmentation de l’activité physique pourrait contrebalancer ce risque. Les essais cliniques continuent d’améliorer notre compréhension du rôle de l’émicizumab chez les patients pédiatriques non porteurs d’inhibiteurs et d’observer son innocuité à long terme, y compris sur la santé osseuse. Certains patients atteints d’hémophilie légère/modérée peuvent présenter un phénotype cliniquement plus grave accompagné d’arthropathie et être exposés à un risque plus élevé à l’égard des inhibiteurs. Par contre, l’émicizumab s’est révélé capable d’améliorer le potentiel hémostatique chez ces patients et pourrait être bénéfique. D’autres études portent sur des techniques additionnelles de surveillance par analyses de laboratoire pour évaluer les propriétés coagulantes globales et permettront de guider l’utilisation des agents de contournement (CCPa et rFVIIa) pour le traitement des saignements intercurrents et dans le contexte périopératoire, de même que le dépistage des inhibiteurs du FVIII chez un patient sous émicizumab. Les agents de contournement devraient être cessés durant le traitement par émicizumab.

La possibilité d’une exposition précoce et contrôlée à des doses faibles de FVIII durant une prophylaxie par émicizumab afin de réduire l’incidence cumulative des inhibiteurs est intéressante. L’émicizumab est ajouté à une stratégie d’IIT dans le cadre du « protocole d’Atlanta ». La prophylaxie hebdomadaire par émicizumab est administrée en association avec 50-100 UI/kg de FVIII, trois fois par semaine. Ce protocole est moins fastidieux. Il réduit plus rapidement les inhibiteurs et confère une protection contre les saignements grâce à la prophylaxie par émicizumab. Le Canada participe à des études qui débutent; on y comparera l’IIT + Nuwiq/Octanate/Wilate +/- CCPa ou rFVIIa au même schéma additionné d’émicizumab (protocole d’Atlanta) et à la prophylaxie de routine par émicizumab, CCPa ou rFVIIa sans IIT (étude MOTIVATE). L’étude PRIORITY se penchera quant à elle sur l’exposition au FVIII post-IIT chez des patients atteints d’hémophilie A sous émicizumab chez qui l’IIT a réussi.

Normalement, on ne commence pas la prophylaxie chez les très jeunes enfants en raison des difficultés d’accès veineux pour l’administration du facteur et il reste encore à définir le moment optimal pour commencer la prophylaxie par émicizumab. Les études HAVEN en cours portent sur de jeunes enfants, âgés aussi peu que de trois mois, ainsi que dans un contexte chirurgical. Or, les preuves s’accumulent sur l’efficacité et l’innocuité chez les nourrissons et les bambins, comme en témoignent les études fondées sur des registres, dont le RCTC et PedNet.

Le fitusiran est à l’étude pour le traitement de l’hémophilie A et B avec ou sans inhibiteurs. La correction, par une réduction de l’antithrombine, du déséquilibre hémostatique dû à la production insuffisante de thrombine causée par l’absence de FVIII/FIX a donné lieu à une réduction du taux annuel de saignements durant la prophylaxie. Le traitement consiste en une dose fixe administrée par voie sous-cutanée une fois par mois. Des lignes directrices de prise en charge des saignements ont été rédigées pour une gestion appropriée des saignements intercurrents et des chirurgies. Ainsi, plusieurs interventions chirurgicales ont pu être effectuées avec succès avec du concentré de facteur ou un agent de contournement. L’innocuité et l’efficacité du fitusiran continuent d’être explorées dans le cadre d’études de phase 3.