Le Registre de la thérapie génique de la FMH, présenté par la Dre Barbara Konkle
Pendant de nombreuses années, la thérapie génique a été perçue comme un horizon lointain. Aujourd’hui, pour de plus en plus de personnes atteintes d’hémophilie, elle semble maintenant être à portée de main. Il est important que les données associées aux personnes ayant été traitées par thérapie génique soient recueillies afin qu’elles puissent faciliter les décisions à venir. Un comité directeur multidisciplinaire a été mis sur pied par la Fédération mondiale de l’hémophilie (FMH) afin de créer un registre qui répond aux besoins des chercheurs, des fabricants, des autorités réglementaires et des patients. La Dre Barbara Konkle, conseillère scientifique en chef adjointe chez Bloodworks Northwest, et le Dr Alfonso Iorio, professeur au département de méthodologie, données et impact de la recherche en santé à l’Université McMaster, en sont les deux coprésidents. L’élaboration de l’ensemble de données communes sera un processus itératif à mesure que de nouvelles observations seront faites. Les données communes du Registre de la thérapie génique de la FMH ont été compilées en avril 2020 et présentées pour publication. Le registre sera géré par un sous-comité de l’International Society on Thrombosis and Haemostasis (ISTH). La base de données devrait être mise sur pied d’ici le premier trimestre de 2021. Les objectifs du Registre de la thérapie génique de la FMH sont de contribuer à :
- Déterminer l’innocuité à long terme des thérapies géniques du FVIII/FIX chez les personnes atteintes d’hémophilie;
- Établir l’efficacité à long terme et la durabilité des thérapies géniques; et
- Mesurer la qualité de vie liée à la santé et le fardeau de la maladie chez les personnes traitées par thérapie génique.
Les données sur l’innocuité et les effets indésirables seront recueillies : inhibiteurs dirigés contre le FVIII/FIX, événements thromboemboliques, maladies auto-immunes, tumeurs malignes, fonction hépatique et mortalité. Les données sur l’efficacité qui seront recueillies comprennent la fréquence des saignements (traumatiques et non traumatiques) et le traitement par concentrés de facteurs requis, ce qui donnera des informations sur l’efficience de la thérapie, tout comme les taux de facteur au départ et après la perfusion. Les données de l’étude PROBE (de l’anglais Patient Reported Outcomes, Barriers, Experiences ou en français Expérience, problèmes et résultats décrits par les patients) seront utilisées pour faire le suivi des résultats fonctionnels. Les données seront recueillies auprès de patients participant à des essais cliniques, y compris ceux des essais préliminaires dont le traitement ne s’est pas révélé efficace, puisque leurs résultats sont néanmoins importants pour établir les profils d’innocuité et d’efficacité des médicaments. Des données seront recueillies dès l’amorce de la thérapie génique, lors des visites de suivi et à intervalles réguliers tout au long de la première année, puis sur une base annuelle.
En ce qui a trait à sa mise en œuvre à l’échelle mondiale, le Registre de la thérapie génique sera sous la responsabilité des centres de traitement des troubles de la coagulation qui offrent la thérapie génique et des centres qui suivent des patients qui ont été traités par thérapie génique ailleurs. Il y aura transfert des données à partir des registres nationaux de la thérapie génique existants; par exemple, l’American Thrombosis and Hemostasis Network (ATHN) remettra chaque année ses données au Registre de la thérapie génique de la FMH. La FMH mettra sur pied des programmes de sensibilisation, de préparation et d’éducation afin d’appuyer les centres participants. Il sera très important de demeurer en contact avec les personnes traitées par thérapie génique qui, une fois « guéries », pourraient ne plus être en contact avec la communauté des personnes touchées par l’hémophilie puisque la FMH prévoit des programmes de préparation pour le Registre de la thérapie génique. Pour les centres de traitement de l’hémophilie qui participent au Registre sur la thérapie génique de la FMH, les avantages sont les suivants : financement par patient pour l’entrée de données, visualisation des données (c.-à-d. sommaire ou tableau de bord retourné au centre de traitement pour contribuer à la gestion des patients) et contribution de données essentielles sur les avantages et les risques de la thérapie génique.
Le Registre mondial des troubles de la coagulation : une mise à jour, présentée par le Dr Alfonso Iorio
Les registres nationaux des troubles de la coagulation comme le Registre canadien des troubles de la coagulation (RCTC) sont très importants, mais le Registre mondial des troubles de la coagulation (RMTC) est le seul registre mondial, a précisé le Dr Alfonso Iorio. Le RMTC a été mis sur pied il y a deux ans et satisfait aux normes de confidentialité et de propriété des données partout dans le monde. Il y a un ensemble de données minimum avec champs de données additionnels. En date de mai 2020, le RMTC avait inscrit 80 centres de traitement et 5 487 patients issus de 38 pays. Interrogé à savoir pourquoi le Canada ne faisait pas partie du RMTC, le Dr Iorio a indiqué que des discussions étaient en cours avec la FMH afin d’assurer la conformité aux exigences canadiennes en matière de confidentialité des données, mais une participation par le biais de partage de données, pas nécessairement des données directes sur les patients, mais peut-être des données regroupées, semblable à la participation de la République tchèque, demeure possible. Le RMTC recueille des données de pays à revenus intermédiaires où il y a un besoin énorme de données robustes. On a créé une appli mobile pour les patients (MyWBDR) qui sera reliée à PROBE, comme c’est le cas pour MonRCTC. Le RMTC peut déjà servir à la recherche, par exemple les données du RMTC indiquent que l’âge médian du diagnostic en Afrique est de quatre ans, comparativement aux pays occidentaux où le diagnostic est habituellement établi à l’âge d’un an.
Le RMTC dans la pratique clinique : expérience du jumelage entre la Belgique et la Côte d’Ivoire
La Dre Catherine Lambert, de l’unité d’hématologie, d’hémostase et de thrombose aux Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles, en Belgique, a fait une description du jumelage de centres de traitement avec Abidjan (Côte d’Ivoire) de 2014 à 2018. Alors que la Belgique possède une population de 11 millions d’habitants, 1 000 personnes atteintes d’hémophilie et six centres de traitement, la Côte d’Ivoire a une population de 23 millions d’habitants, un centre de traitement et aucun registre national. Les concentrés de facteur de la coagulation y sont fournis dans le cadre du programme d’aide humanitaire de la FMH et il n’y a aucun traitement prophylactique. Pendant les quatre années du jumelage, 54 des 57 familles ayant déjà reçu un diagnostic ont été rejointes. Les deux centres ont donné leur accord pour participer au RMTC, l’équipe de Bruxelles fournissant l’assistance technique au centre de traitement d’Abidjan pour l’obtention de l’approbation éthique et pour les questions de technologies de l’information. Une formation a été offerte pour la collecte de données, la tenue des dossiers et les structures de dossiers médicaux afin de satisfaire les exigences du RMTC en matière de données. L’utilisation du RMTC pour la collecte des données par les deux centres a permis d’établir des comparaisons entre de nombreux paramètres. Les données de 105 de 117 patients ont été entrées dans le RMTC lors d’une visite à Abidjan dans le cadre du jumelage, comparativement à 59 de 248 patients à Bruxelles, ce qui dénote un point à améliorer en Belgique. Vingt et un pour cent des patients à Abidjan suivaient un traitement prophylactique (auparavant, seul le traitement à la demande était offert), comparativement à 78 pour cent à Bruxelles. On a identifié les avantages pour les deux partenaires de jumelage : des données objectives deviennent disponibles, ce qui permet de les utiliser pour l’évaluation continue de l’évolution des soins en Côte d’Ivoire, d’identifier les besoins à l’échelle locale et d’améliorer les résultats, c.-à-d. de recourir davantage au traitement prophylactique et, en fin de compte, de faire des pressions en vue d’obtenir plus de soins. La Belgique a reconnu la nécessité d’encourager davantage les jeunes patients à participer à la collecte des données.
Ces présentations ont donné lieu à de nombreuses questions et réponses :
- RMTC : Les facteurs socio-économiques seront-ils recueillis? En raison de leur sensibilité et de leur variation, les données recueillies le seront à l’échelle nationale à l’aide des données du registre mondial. MonRCTC et PROBE sont à la recherche de telles données.
- Registre de la thérapie génique : L’utilisation à long terme de stéroïdes sera-t-elle saisie? Oui – Il y aura un suivi en termes de comorbidités.
- Registre de la thérapie génique: Les résultats négatifs seront-ils colligés? Oui – Les effets nuisibles feront l’objet d’un suivi, tout comme les avantages et la stabilité, c.-à-d. la « guérison » est-elle véritable.
- MyWBDR : Les centres devront-ils s’inscrire et obtenir une approbation éthique? Oui – La participation est ouverte à tous les centres figurant au répertoire mondial des centres de traitements.
- RMTC : A-t-on recueilli des données sur la physiothérapie dans le cadre du jumelage? Oui – Un programme de réadaptation musculosquelettique auto-guidé a démontré une amélioration à court terme et le RMTC permettra de faire un suivi des résultats à long terme.
- Registre de la thérapie génique/RMTC : De quelle façon consigne-t-on la qualité de vie? Le Registre de la thérapie génique et le RMTC de la FMH utilisent à l’heure actuelle différentes échelles fonctionnelles puisque chaque registre a ses propres objectifs.