Les 10 principaux points à retenir des efforts de défense des intérêts de la SCH pour obtenir l’accès à émicizumab (Hemlibra)

par David Page, Directeur national des politiques de santé de la SCH

La Société canadienne de l’hémophilie (SCH), ses sections et ses membres ont déployé des efforts considérables au cours des dernières années afin d’obtenir le financement d’émicizumab (Hemlibra). Ces efforts ont permis d’obtenir l’accès à ce produit pour les patients…

  • avec inhibiteurs du FVIII, partout au pays, à la mi-2019
  • atteints d’hémophilie A grave sans inhibiteurs, dans les provinces et territoires desservis par la Société canadienne du sang (SCS), en octobre 2021
  • atteints d’hémophilie A grave sans inhibiteurs, au Québec, en avril 2022.

Il est important de prendre un peu de recul et d’analyser les raisons pour lesquelles la SCH a réussi dans ses démarches, malgré le contexte très difficile de la pandémie en 2020 et 2021. Il y aura sans aucun doute d’autres progrès dans le domaine des produits coagulants au cours des prochaines années. Le fait que nous connaissons maintenant la recette du succès nous guidera dans nos prochains efforts de défense des intérêts.

Quelles ont été les 10 clés de notre réussite?

  1. Avec Hemlibra, la SCH réclamait un traitement dont les avantages étaient bien démontrés : administration sous-cutanée et protection hémostatique stable. Comme il s’agissait d’un grand pas en avant, il était relativement facile de convaincre les provinces et les territoires qui étaient appelés à le financer, malgré les recommandations neutres ou négatives formulées par les organismes d’évaluation des technologies de la santé, l’ACMTS et l’INESSS. Avoir des arguments convaincants fondés sur des données probantes.

  2. Il y avait un large consensus à l’échelle internationale sur l’adoption de ce traitement. Au moment où les provinces et les territoires étaient prêts à faire connaître leurs décisions, Hemlibra était devenu la « norme de soins » dans de nombreux pays. Le Canada accusait déjà beaucoup de retard. Démontrer les précédents internationaux.

  3. La SCH a soumis des présentations bien étoffées à l’ACMTS et à la SCS, et au Québec à l’INESSS et au CCNMT (Comité consultatif national en médecine transfusionnelle). Ces présentations comprenaient les propres recherches de la SCH sur l’expérience vécue par des patients utilisant des concentrés de facteur VIII et les données de l’étude PROBE sur les résultats signalés par les patients. Recueillir, analyser et présenter l’expérience vécue par les patients.

  4. La SCH et l’ACDCH (Association canadienne des directeurs des cliniques d’hémophilie) étaient sur la même longueur d’onde. L’ACDCH a appuyé les recommandations de la SCH relativement à l’importance du financement d’Hemlibra et a fait sa propre présentation à la SCS. Elle a également appuyé les critiques de la SCH à l’endroit de la méthodologie d’évaluation des technologies de la santé qui remettait en question l’efficacité d’Hemlibra par rapport au FVIII. Un consensus entre les groupes de patients et les groupes de médecins est absolument essentiel. Créer un front commun patients/médecins.

  5. La SCH avait d’excellentes relations avec la SCS et Héma-Québec, ce qui conférait une crédibilité au dossier qu’on leur présentait. La SCH avait également des relations étroites avec certaines personnes clés occupant des postes d’influence dans les bureaucraties de la santé. Connaître le système et cultiver des relations.

  6. La SCH a été en mesure de démontrer à la SCS et à Héma-Québec, dans des présentations bien documentées utilisant des données économiques accessibles au public, que l’adoption d’Hemlibra pour les patients avec inhibiteurs permettait de réaliser des économies budgétaires et, pour les patients sans inhibiteurs, une neutralité budgétaire. Suivre l’argent.

  7. Tant la SCS qu’Héma-Québec ont démontré leur intérêt réel pour l’acquisition de traitements qui procurent d’excellents soins aux patients; les deux organismes ont consacré des ressources importantes pour négocier des ententes qui ont permis que cela se concrétise. Maintenir des relations étroites avec les organismes responsables de l’approvisionnement sanguin.

  8. La SCH n’a ménagé aucun effort avec le fabricant pendant plusieurs années afin de l’encourager à être concurrentiel s’il voulait pénétrer le marché. Le fabricant était quant à lui déterminé à commercialiser son produit au Canada et à être concurrentiel en comparaison avec les traitements déjà offerts sur le marché. Travailler en collaboration avec les compagnies pharmaceutiques pour atteindre des objectifs communs.

  9. La communauté hémophile a fait entendre sa voix. Dès le premier mois de la campagne en ligne, plus de 10 000 courriels ont été envoyés aux politiciens locaux et aux ministres provinciaux de la santé. Les membres se sont adressés directement à leurs députés et même aux ministres de la santé. Certaines sections ont même réussi à soumettre cet enjeu à leur assemblée législative provinciale. D’autres ont mis sur pied des comités spéciaux pour coordonner leurs efforts de défense des intérêts. Informer et impliquer les patients et les aidants. Les aider à faire entendre leurs voix.

  10. Rendre l’enjeu public, si nécessaire. Un reportage sur un jeune garçon avec inhibiteurs dans les médias nationaux en 2019, qui expliquait les justifications médicales et budgétaires d’adopter Hemlibra, a été suivi, quelques jours plus tard, de la décision du gouvernement de financer le traitement. Livrer des témoignages personnels et touchants.

Bien que le succès n’arrive pas toujours facilement et rapidement, si ces dix stratégies sont mises en oeuvre, il y a une forte possibilité qu’elles contribuent à atteindre l’objectif visé.