Montréal, le 5 juillet 2024 – Les deux agences d’évaluation des technologies de la santé du Canada ont formulé des recommandations contradictoires sur deux thérapies géniques pour l’hémophilie B.
Plus tôt en 2024, l’Agence du médicament du Canada (AMC; anciennement appelée ACMTS), qui formule des recommandations sur les nouveaux médicaments à l’intention des régimes de santé publique à l’extérieur du Québec, a recommandé que Beqvez (fidanacogène élaparvovec) et Hemgenix (étranacogne dézaparvovec) soient remboursés, sous réserve d’une réduction de prix, pour les adultes atteints d’hémophilie B grave et modérément grave. Cependant, le mois dernier, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS), qui fournit le même service au Québec, a publié des rapports recommandant de ne pas rembourser les deux thérapies géniques en raison de leur « absence de valeur thérapeutique ».
« Comment deux organismes d’évaluation des technologies de la santé peuvent-ils arriver à des conclusions complètement différentes alors qu’ils examinent en même temps les mêmes données probantes concernant les mêmes thérapies pour le même groupe de patients ?», a demandé Manon Lemire, présidente de la Section Québec de la Société canadienne de l’hémophilie (SCHQ). « L’AMC affirme que les traitements réduisent les taux de saignement annuels, diminuent la consommation de facteur IX (FIX) et répondent à d’importants besoins des patients. L’INESSS dit qu’il ne reconnaît pas leur valeur thérapeutique. Comment peut-on avoir confiance dans les appréciations des agences d’évaluation des technologies de la santé face à de telles incohérences? »
Ces recommandations de l’INESSS de ne pas rendre la thérapie génique disponible au Québec surviennent après deux évaluations successives de l’émicizumab (Hemlibra) par l’INESSS pour l’hémophilie A en 2020 et 2021, les jugeant inférieurs à la prophylaxie par le FVIII, une évaluation qui a finalement été jugée erronée par le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. La décision a été prise de rembourser l’émicizumab et, depuis, plus des trois quarts des personnes atteintes d’hémophilie A grave au Québec et même dans le reste du Canada sont passées du facteur VIII à la prophylaxie par l’émicizumab.
Curieusement, le rapport de l’INESSS sur Hemgenix, publié le 3 juillet, cite des résultats d’essais cliniques très positifs.
L’INESSS a utilisé le FIX à demi-vie prolongée comme point de comparaison avec la thérapie génique, même si le FIX à demi-vie prolongée n’est pas accessible pour les adultes au Québec, selon les recommandations antérieures de l’INESSS.
Cependant, l’INESSS a donné les raisons suivantes dans son évaluation de l’absence de valeur thérapeutique.
Des raisons très similaires ont été invoquées par l’INESSS pour rejeter le Beqvez en juin.
Étant donné l’évaluation négative de la valeur thérapeutique par l’INESSS, l’étape suivante de l’évaluation d’une nouvelle thérapie, soit l’analyse coût-efficacité, n’aura pas lieu. Pour être clair, ces thérapies géniques n’ont pas été rejetées en raison de leur coût, mais en raison de l’interprétation de l’INESSS de leur innocuité et de leur efficacité par rapport à une modalité de traitement actuelle (FIX à demi-vie prolongée dans leur analyse).
Pendant ce temps, dans le reste du Canada, des négociations ont commencé ou commenceront bientôt entre les fabricants, Pfizer et CSL Behring, et l’Alliance pharmaceutique pancanadienne afin d’établir un prix pour les régimes publics d’assurance-médicaments. À la suite de ces recommandations de l’INESSS, le Québec ne participera pas aux négociations. La décision de rembourser ou non ces thérapies sera alors prise dans chaque juridiction.
« La SCHQ étudie les prochaines étapes pour contester cette évaluation douteuse », a déclaré Manon Lemire.